le vieux comédien

J’ai longtemps habité des ombres sans visage

Sur des tréteaux baignés de faisceaux de couleurs,

Et j’incarnais souvent de falots personnages,

Vivants par la vertu de quelques projecteurs.

J’ai erré bien des fois dans de grandes défroques

De vieillards, de vieux-beaux ou de jeunes premiers

Qui hurlent, chuchotent, déclament ou soliloquent,

Sans qu’un seul ne m’invite à m’y perdre en entier.

J’ai voulu que mon être écrive sur les planches,

Le temps et ses couleurs, ses douleurs, ses revanches,

que j’accrochais aux cintres, à l’ultime salut.

Et j’ai surpris mon corps, s’égarer sous l’emprise

D’une noire figure qui me force et me grise,

De brefs instants de joie tragique et absolue.